dimanche 11 février 2018

CACIA ZOO, MODÈLE DE LA LIBERTÉ...

Autoportrait (C) Cacia Zoo

En matière de photographie, ce sont bien les modèles féminins qui captent le plus facilement le regard des spectateurs. Je ne compte pas évoquer ici ceux auxquels on assigne une fonction publicitaire, où leur attitude, l’environnement, les vêtements qui les habillent  (quand ils en portent), procèdent d’une construction n’ayant pour but que de compléter ou doubler visuellement le message promotionnel. Je ne veux ici parler que de la photo d’art même si je ne dénie pas aux photographes publicitaires une véritable démarche artistique.
De tous les modèles féminins que j’observe depuis que je m’intéresse à l’image et à la sémiologie, l’un de ceux qui me fascinent le plus est Cacia Zoo, modèle et artiste new-yorkaise que j’ai eu le plaisir de découvrir sur le site Tumblr, application ouverte où il est possible à tout le monde de visiter son univers.http://caciazoo.com/ Le nombre de photos sur lequel apparaît ce modèle est considérable et peut filer le vertige (il apparaît toutefois que l’artiste a considérablement réduit le nombre de ses photos dernièrement).
La mine boudeuse ou amusée, elle s’y affiche, souvent dévêtue ou le visage en gros plan, réussissant cet étonnant tour de force, quel que soit le photographe qui l’a figée, de diffuser sur l’ensemble de la photo une onde puissante de mystère. Cacia Zoo, de ce point de vue, fait presque mentir Alfred Hitchcock, lequel déclarait qu’il détestait les actrices qui portaient leur sexe sur la figure au prétexte que leur visage ne prêtait aux spectateurs aucune possibilité de projection, aucune ambiguïté, ainsi préférait-il les femmes au visage froid, glacé, blonde, mais peut-être capables de vous entreprendre dans un ascenseur. On sait que Grace Kelly fût son plus grand fantasme. Et pourtant, si Cacia Zoo semble tout le contraire de ce genre de femme, avec ses cheveux bruns et raides, sa peau mate, cette bouche pleine d’une vibrante sensualité, il n’en demeure pas moins que si elle se multiplie de toutes les façons et dans toutes les positions, elle ne cesse dans le même temps de se dérober à qui voudrait la saisir pour percer son énigme. Vous pouvez penser qu’elle s’exhibe, mais c’est pour mieux se cacher, ou pour chercher une belle fuite en cultivant toutes les ressources de sa liberté.
Cacia Zoo pourrait être une femme caoutchouc, un modèle de silicone capable de prendre toutes les formes.
(C) Cacia Zoo
Cette troublante souplesse qu’elle utilise volontiers évoque les cascades enfantines et lui confère une touchante innocence. Cette modèle navigue avec une étonnante aisance entre candeur et provocation, quelque chose se consume en elle, un
feu intérieur alimenté par une énergie totalement renouvelable 
et inépuisable qui va de l’un à l’autre. Mais plus que tout, Cacia Zoo apparaît comme une exploratrice. Ses poses ne sont jamais conventionnelles, elle participe à l’invention de chaque photo en tentant de s’écarter de tous les sentiers battus. C’est un modèle particulier qui cherche en permanence à inventer la photo dont elle-même est à la fois l’objet et le sujet. Elle interroge le vide, elle le défie même, elle prend un malicieux plaisir à le traquer, à le poursuivre, à l’occuper, à le dépasser.
(C) MAmu
Chaque photo 
est un espace dans lequel elle laisse flotter son corps, c’est un sentiment d’apesanteur que donne ce personnage qui finit par exister quand se réunissent toutes ses apparitions dans l’esprit du spectateur. C’est dans l’accumulation qu’on la trouve et qu’il est possible de saisir son âme. J’ai souvent pensé que la nudité n’est pas sexuelle. Cacia Zoo ne l’est jamais à mes yeux. Qu’elle soit nue, ou habillée des sous-vêtements les plus affriolants, c’est toujours sa part ludique qui ressort de l’ombre funèbre, et qui l’emporte même si je la crois plus près de Thanatos que d’Éros. Elle ne cherche jamais à faire la démonstration de sa beauté, comme trop souvent les modèles, bien au contraire, il peut lui arriver de s’enlaidir sans que cela ne lui pose le moindre problème.
(C) Robert Szatmari
La beauté n’est pas un enjeu pour elle, son corps ne veut pas être autre chose qu’une célébration de la vie. Cacia Zoo attire capte la curiosité des photographes. Chacun cherche à l’interpréter en l’attirant dans son univers, en lui appliquant ses propres repères, mais le plus souvent les photos semblent n’avoir qu’un auteur, leur modèle, cette femme qui pourtant s’abandonne et demeure insaisissable. Ici repose toute la beauté et le charme de son paradoxe.
Il faut souligner, et c’est juste mon avis, que c’est de sa relation et de sa collaboration avec cet extraordinaire photographe et artiste qu’est Teknari que sont nées les plus belles et les plus fortes images, que ce soit pour l’un comme pour l’autre. Ce travail pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un article à lui tout seul.

Alors, je suis curieux de ce travail de Cacia Zoo, l’artiste, de ses photos et de ses vidéos, et je veux continuer cette observation en étant attentif aux virages que prendra son inspiration, mais j’invite tous les curieux de la chose photographique à porter un regard sur son univers singulier et pluriel.
(C) Cacia Zoo