mercredi 15 mars 2017

VARSOVIE, VARSOVIE de Didier ZUILI


C'est un livre fort qui vient des profondeurs.
Quand des hommes de Pouvoir, des voleurs de pouvoir, entraînent leurs soldats dans la folie assassine, d'autres s'efforcent de sauver ce qui peut l'être, quelque chose d'essentiel et de fugace comme la mémoire, car l'oubli est parfois pire que la mort. Il faut voir cette BD comme une remarquable contribution à la lutte contre l'oubli avec l'exposition de l'acte héroïque et fondamental accompli par Emmanuel Ringelblum, l'un des responsables des juifs du Ghetto de Varsovie. Ce personnage dont peu de gens connaissent l'existence a choisi d'aller au sacrifice, le sien et celui de sa famille, pour non seulement mener jusqu'au bout une folle et noble entreprise de sauvetage de la mémoire, celles de ceux qui ont été enfermés dans l'ignoble souricière, mais aussi pour participer au soulèvement des dernières forces vives de ce ghetto. Rien ne nous est épargné. Rien, vraiment ? On se doute que dans la masse d'informations que Didier Zuili, l'auteur de Varsovie, Varsovie a consultée, il a dû beaucoup tailler, éliminer, se limiter, afin de ne pas tomber dans le piège d'empiler l'horreur sur l'horreur. On imagine aisément la cruauté des choix qu'il lui a fallu opérer pour créer une ligne de narration claire qui n'occulte rien de l'essentiel sans la surcharger. Car la tentation devait être grande. Nous assistons ici au retour à Varsovie de Yentl Perlmann, une historienne américaine extirpée du ghetto quand elle n'était encore qu'une enfant, grâce à Jonasz, l'autre personnage principal du livre, un jeune homme courageux et téméraire. L'historienne vient témoigner du passé devant une classe d'enfants dans une démarche pédagogique et émotionnelle. Ce récit est le sien. L'habileté de Didier Zuili consiste à placer Ringelblum, au rôle pourtant central, presque à la marge de son histoire, ce qui lui évite le didactisme, piège de toute fiction historique. Par la force de son dessin, car c'est aussi sa performance, être tout à la fois le scénariste et le dessinateur de cette œuvre, il nous plonge dans le ghetto étouffant où l'amour et la solidarité tentent de résister à la veulerie et aux lâchetés que la peur sait inspirer. C'est un dessin qui pue le sang et la mort. Un dessin expressionniste ondoyant comme les rêves funèbres, parce que la réalité est inadmissible, avec des personnages au teint argileux plongés malgré eux dans les noirceurs de l'humanité. Il utilise pour la partie flashback des couleurs sombres, sauf pour la chevelure flamme de Jonasz  et laisse en noir et blanc la partie moderne. Ringelblum et d'autres choisirent d'enterrer des milliers de pages sur lesquelles étaient consigné tous les détails de la vie du ghetto, documents et décisions administratifs mais aussi les histoires individuelles, les doutes, les espoirs dérisoires. Ces archives furent retrouvées après la guerre. Elles font partie aujourd'hui du registre international "Mémoire du Monde" de l'UNESCO.
Varsovie, Varsovie de Didier Zuili est un ouvrage qui vient donc des profondeurs de la Terre et de l'âme. Du beau travail qui doit prendre sa place dans toutes les bibliothèques, à côté du Journal d'Anne Frank, ou de Si c'est un homme, particulièrement dans un moment de la vie politique française qui voit un parti d'extrême-droite avancer vers les plus hautes marches du Pouvoir, en masquant sous un habillage grossier de respectabilité des idées racistes nauséabondes, nazies et révisionnistes. Alors que pendant ce temps, les islamistes radicaux propagent la haine du juif chez une partie de la jeunesse française issue de l'immigration...
Attention ! Attention, vous qui voulez croire en l'humanité !!!
Achetez, lisez, conservez, ou faites passer ce Varsovie, Varsovie de Didier Zuili, éditions Marabulles. 17,95€. Dans toutes les bonnes librairies.















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