mardi 19 juillet 2016

IL SUFFISAIT DE REGARDER LA MER...


"J'aime la mer, comme une femme..." chantait Alibert dans ces années heureuses où nos parents pensaient  que les plus grands périls étaient derrière eux pour très longtemps.
Pour ma part, j'aime la mer comme une mère car elle m'a nourri. Mon père gagnait sa vie en navigant autour de la planète à l'époque où le port de Marseille rayonnait dans le monde entier.
Pour ceux qui ont eu la chance de naître sur ses bords, la Méditerranée est une mère que nous avons en partage.
J'aime arriver sur Nice, une bonne musique dans la voiture, j'y viens une fois par mois, parce que tout au long de la Promenade des Anglais, chaque fois que la circulation m'en laisse le loisir je tourne la tête à droite et je la vois qui nous accompagne comme une hôtesse accueillante. Je prends des photos avec des joggers et des promeneurs en amorce qui amènent une dynamique sur cet arrière-plan immuable . Ses fonds lui donnent un bleu un peu différent, plus doux, comme une promesse sucrée. Ici elle ne joue pas à cache-cache, elle est offerte, ne songeant pas une seconde à modifier son paysage pour mieux se laisser caresser du regard. Plus qu'invité, j'ai beau me trouver à plus de 200 Kms de Marseille, je me sens chez moi, et je sais que quoi qu'il se passe d'énervant au cours de mon activité professionnelle, j'aurai tout loisir si je le souhaite, de méditer quelques instants face à cet horizon pour me remplir l'âme de sa couleur, et tout ira bien.
Aujourd'hui, cinq jours après ce drame supplémentaire qui nous a tous glacés, j'ai préféré couper la radio. Je n'ai pris aucune photo. Les habituels promeneurs me semblaient des statues et j'avais le sentiment de traverser un sanctuaire, de frôler des âmes encore hébétées d'avoir été si brutalement, et sans raison, expulsées de leur corps. Je crois que j'aurais voulu les rassurer. 
J'ai décidé de manger dans le vieux centre, par solidarité avec cette belle cité. Je ne prends jamais le temps de le faire. J'ai eu le plaisir de constater que les niçois ont repris le chemin des restaurants, les terrasses sont pleines, des jeunes s'embrassent, il y a de la musique, des danseurs, et même des acrobates de rue qui voltigent dans l'air comme pour conjurer les affreuses visions qui figèrent l'autre soir les rescapés, juste quelques centaines de mètres plus loin.
Et de la terrasse où je viens de m'envoyer une pizza dans l'estomac, je me dis que si l'imbécile malheureux qui a semé la mort, en ce sinistre 14 juillet 2016, avait pris dans les jours qui précédèrent, ne serait-ce que quelques instants, le temps de méditer seul face à la mer, il serait peut-être encore de ce monde et les familles ne se trouveraient pas ainsi plongées dans le drame absolu.
Oui, il suffisait de regarder et d'écouter la mer... qui parle la langue universelle de tous les dieux de paix.