mardi 3 février 2015

MARSEILLONS, C'ÉTAIT TROP BON, FADA !!!

Merci à Sophie Vernet pour ses photos.

Simon Abkarian, un acteur admirable, ici en Cagole.
(c) Sophie Vernet

"MARSEILLONS", spectacle 100% marseillais, était programmé depuis un bon bout de temps (pas depuis l'an pèbre, mais presque) et faisait saliver tous ceux qui sont convaincus que cette ville au passé profond, à l'identité colorée et toute en relief, n'a pas besoin comme l'écrit Henri-Frédéric Blanc, l'auteur autour duquel s'articulait la soirée, de recevoir directement de Paris de "la culture en barquette cellophane". "Marseillons", on peut le dire, cette soirée rêvée, voulue, orchestrée par le comédien marseillais qui monte, Cyril Lecomte, aura bel et bien tenu toutes ses promesses en ce 31 janvier 2015, au creux d'un hiver que seule l'actualité a particulièrement refroidi, au point que cette idée de rassemblement s'harmonisait encore plus qu'à l'habitude à une profonde envie de faire les choses ensemble et d'accorder les différences.
On pouvait craindre que le public marseillais ignore l'évènement mais l'union des talents combinée à une communication efficace mêlant adroitement réseaux sociaux et médias "classiques", tous jouèrent le jeu, a débouché sur une salle de l'Odéon entièrement remplie qui faisait plaisir à voir, le spectacle pouvait commencer.
C'est à Laurent Febvay que revenait l'honneur de lancer la soirée alors que le public finissait de se mettre en place après avoir, dans le hall, écouter des lectures par Catherine Lecoq, chargée de donner voix aux auteurs marseillais sur quelques-unes de leurs plus belles pages, exercice pas facile dans un espace où les gens circulaient, découvrant les lieux, se rencontrant, s'interpellant, conversant, mais qu'elle accomplit avec conviction, grâce et régularité, Laurent Febvay donc, trouva vite le ton juste pour chauffer la salle sans en faire trop et envoyer sur scène Don Billiez et son groupe Addictive Pulse qui rythma l'atmosphère en deux-trois mouvements par ses cuivres dynamiques et harmonieux, la soirée était bel et bien lancée, les comédiens finissant par faire leur entrée en dansant.

Spectateurs en miroir, les comédiens en arrière-scène.
(c) Sophie Vernet













Le dispositif mis en place par Cyril Lecomte s'accordait avec l'esprit de la soirée, les comédiens restant en arrière-scène pendant que chacun d'entre eux passait à l'avant, tout à la fois public en miroir et chœur approbateur ou chambreur témoignant d'une complicité dans ce travail sur le fil du rasoir. C'est du reste Cyril Lecomte qui se chargeait sans problème de la scène d'ouverture, déjà bien rodée dans son spectacle "Lecomte est Blanc", et la salle répondait vite au comique du texte et de l'acteur. Il restait à savoir ensuite comment la qualité remarquable de la distribution réunie pour cette unique occasion allait amener ses propres mesures sur les mots de l'auteur de génie qu'est Henri-Frédéric Blanc dont les "Cagoles" se succédaient dans leur outrance et leurs angoisses existentielles.
 Comédiens et comédiennes les interprétèrent avec enthousiasme, les animant tout à la fois de leur talent et de leur métier. Parmi les femmes c'est Marie Fabre qui composa les plus convaincantes et cela sans s'éloigner du texte. Chez les hommes, Titoff dont c'est ne faire injure à personne qu'il est le plus connu de tous et qu'il prenait le plus gros risque (relatif, certes) en se joignant à l'aventure, sut chaque fois utiliser son sens de la scène pour improviser légèrement sans trahir l'écriture de sa "Cagole" et se tira avec ces mêmes qualités de la scène grinçante qui lui était proposée ainsi qu'à la sobre et élégante Aude Candela, scène qui condensait un livre particulièrement tout en nuance et renversement, "Nuit gravement au salut", illustrant la cruauté et le cynisme du pouvoir, qui surprit un public qui s'était habitué à rire mais qui ne laissa partir aucun toussotement sur la sortie pleine de panache d'Aude Candela, les deux acteurs, et l'auteur, avaient gagné.

Aude Candela et Titoff, une scène renversante.
(c) Sophie Vernet

Simon Abkarian m'a fait la plus belle impression. Cet acteur d'une grande vivacité est capable d'une infinité de jeux, il semble solidement formé dans son art, tout à la fois léger et intense, le corps souple d'un mime ou d'un danseur, sa "Cagole" fût une formidable composition tout comme son homme politique proposant rien de moins que la France renoue avec la croissance en commerçant les fesses de sa population féminine. Moussa Maaskri que les réalisateurs cantonnent encore beaucoup trop dans des rôles de méchant où il excelle, prouva de son côté qu'il possède aussi une fibre comique qu'il sût mettre au service de son personnage de Frédo le Fada qui embrasse la carrière de prophète.
Je ne veux surtout pas oublier la formidable prestation de Pierre Lopez qui donna vie à Bibi, un orang-outang doué de paroles qui crie son dégoût pour l'humanité, le travail sans aucun doute le plus intense et le plus abouti de la soirée.

Magistral Pierre Lopez en Bibi, singe savant.
(c) Sophie Vernet

Seul Georges Fracass se prit les pieds dans le tapis de son personnage, Jobi un truand marseillais. Le comédien, ne sut pas mixer le grotesque et le second degré, il donna la sensation de balancer un texte, certes initialement écrit à la troisième personne, mais qui avait pourtant été bien amené.
Après un nouvel entr'acte, toutes sortes de "son" se succédèrent sur la scène pour un fantastique bouquet musical final, mes affinités retiennent deux moments où le temps s'est suspendu, sur le trop bref passage de Levon Minassian ou de la mezzo Emmanuelle Zoldan mêlant sa voix au flow du rappeur Faf Larage. Fred Franchitti et son groupe Aston Villa eurent le temps de plaquer leur marque et leur personnalité, avant que Gari Greù suivi de son complice du Massilia Sound System Papet Jali ne concluent définitivement cette soirée unique avec leur Reggae entraînant et désormais légendaire sur lequel ils passent les mots de leur humanité et leur sens du partage.
C'était vraiment une très belle soirée. Dans son rythme, dans sa diversité, dans le rire, Marseille a pu se reconnaître dans ses artistes et le public aura je crois pleinement adhéré au concept et à l'image de la ville qu'il dégagea. On parle déjà d'un MARSEILLONS 2, plus printanier, estival, on peut gager qu'il aura tout autant de succès, surtout quand on sait qu'il y a encore du monde derrière, je ne peux les citer tous mais les membres du groupe QUARTIERS NORD ou D'IAM, Joe Corbeau doivent absolument en être, tout comme les auteurs Serge Scotto ou Gilles Ascaride qui en plus de la qualité de leur écriture sont aussi deux excellents comédiens.
 
Bref, à suivre, c'était trop bon, fada !

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