samedi 1 juin 2013

PERDU D'AVANCE...

Pas mal de temps vient de s'écouler depuis mon dernier billet, je ne le mesure que maintenant, j'ai sans doute manqué de fraicheur pour trouver de bonnes occasions de partager mes enthousiasmes, il m'a fallu consacrer toute mon énergie à mon travail, mais il me tient à coeur de transmettre ici quelques interrogations suite à la manifestation contre la violence dans les quartiers à Marseille à laquelle j'ai participé cet après-midi.



J'avais été sensibilisé à l'organisation de cette manif par la lecture du blog du correspondant à Marseille du journal Libération, Olivier Bertrand. J'espérais une forte mobilisation de solidarité autour du collectif d'habitants des quartiers nord de Marseille, de la part de l'ensemble des citoyens de la ville, mais il faut le dire, cette attente fût déçue.

Guère plus de cinq cents personnes se massaient à l'heure dite au pied de l'escalier de la gare St Charles derrière une banderole où était inscrit : Sauvons nos enfants, les quartiers nord sont en danger, "vous nous avez oubliés". Quand on sait que plus de 400 000 personnes habitent cet immense territoire, il n'est pas tout à fait déplacé de constater que la mobilisation ne se montrait pas à la hauteur de l'attente.





Au-delà de l'appel solennel aux autorités lancé par une organisation au manque, touchant, de professionnalisme, de la présence discrète de quelques politiques de la région, les slogans entendus tournaient autour de la demande de moyens couvrant une grande partie du champ social : logements, formations, travail, le retour de l'état de droit, plein et entier, dans ces quartiers difficiles. On pouvait imaginer un discours sur la drogue et son fructueux traffic, le renforcement de la lutte contre ce fléau qui s'installe au coeur des familles et finit par leur déchirer le coeur, en vain.



J'ai quitté la manifestation avec la désagréable sensation que le combat était perdu d'avance, faute d'un nombre suffisant de combattants même si les organisateurs promettent de continuer, que les décideurs politiques adopteront une nouvelle fois l'ignoble tactique qui consiste à donner l'impression d'adhérer à la protestation, d'agiter au passage quelques hochets, puis de laisser pourrir sans n'avoir jamais fait de modification qu'à la marge des situations. Une délégation porteuse de 23 propositions devait être reçue à la préfecture à la fin du défilé.

Le compte-rendu de la manif que j'ai vu le soir au journal de TF1 donne la sensation qu'elle était plus importante qu'en réalité. Il semble que les journalistes aient tenté de faire gagner la bataille des images à ce collectif courageux qui propose aux citoyens des quartiers nord de prendre leur destinée en main et ce n'est peut-être pas si mal. Mais qui sait si cela ne participe pas d'une manipulation qui se retournerait contre les organisateurs, leur donnant un peu plus l'illusion d'avoir été entendus. Qui sait ?

En m'éloignant, alors que je prenais une dernière photo, un homme s'approche de moi et me tends la main avec le sourire, je devine qu'il me prend pour un journaliste avec mon gros appareil photo, ma caméra, il se présente, je reconnais le nom d'un responsable politique de la région, je lui fais part de ma déception que Marseille n'ait pas répondu à l'appel et mon scepticisme de voir les deux moitiés de la ville, le nord et le sud, se rejoindre de nouveau, nous avons tous bien trop la sensation que l'écart ne cesse de s'accroître, il me répond que jamais personne ne s'est occupé de ces quartiers à l'architecture inhumaine. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui rétorquer qu'ayant grandi dans un de ces quartiers, je peux témoigner que nous y vivions heureux jadis, et qu'au-delà des batiments, il fallait surtout réfléchir à la meilleure façon de recréer de la mixité sociale dans ces territoires. Tout en sachant très bien, au fond, qu'il est sans doute déjà trop tard...